François GENTIL (1510c-1585c)

 François GENTIL
Ne cherchez pas François GENTIL sur le site de Wikipedia, aucun Contributeur ne lui a consacré quelques lignes.  Si aujourd'hui, l'oeuvre de François GENTIL est entourée de silence, ce ne fût pas le cas lors des siècles précédents ...

A la fin du XVIe siècle, François Desrues (1554-1620c.) dans une édition de son ouvrage Les Antiquitez, fondations & fingularitez des plus célèbres villes, châfteaux, & places remarquables du Royaume de France, relativement à la ville de Troyes, cite François Gentil, sculpteur tant renommé par les ouvrages qu'il a si bien faits tant en la dicte ville en plusieurs places que hors d'ycelle.

En 1717 deux religieux bénédictins publient à Paris leurs notes de voyage :  Une des plus belles chofes qu'on puiffe voir à Troye, c'eft l'églife de Saint Pantaleon. ll n'y a point d'autel , ny de piliers, où il n'y ait des figures qui furpaffent l'art. Les peintures de la plûpart des tableaux ne cèdent en rien aux figures. Enfin , les vitres font fi belles, que monfieur le cardinal de Richelieu offrit dix-huit mille livres de celles du fond feulement. Toutes les figures de cette églife , & toutes celles qu'on admire dans toute la ville , font des ouvrages de François Gentil le plus habile fculpteur qu'on ait vû depuis longtemps.

Un Almanach Ecclésiastique publié en 1761 chez Duschesne à Paris rapporte sur la ville de Troyes : Il y a dans les Eglifes de Cette Ville une fi grande quantité de morceaux de fculpture & de peinture , que le Cavalier Bemin difoit qu'elle étoit une petite Rome. La plûpart de ces ouvrages font fortis des mains de François Gentil de Troyes, & de Dominique Riconucci Florentin, qui se rendirent célèbres vers le milieu du XVI fiêcle , principalement par leurs talents pour la sculpture.

En 1860, Amédée Aufauvre publie un guide historique et topographique de la ville de Troyes et de ses environs. Il commence en ces termes le portrait de François GENTIL : Chef  d'une école influente de sculpture, dans la seconde moitié du xvie siècle, François Gentil, dont la famille s'est perpétuée jusqu'ici, naquit à Troyes. Il remplit de bas-reliefs, de groupes et de statues, les églises et les couvents de son pays natal.

Dans les années 1900 un tournant est pris autour de l'oeuvre de François Gentil qui se résume en ces mots empruntés à Albert Babeau, membre du Comité des Sociétés des Beaux-Arts des départements, à Troyes Une légende s'est formée autour de son nom, et il est difficile de discerner dans cette légende la part de l'erreur et de la vérité. 

Albert Babeau qui publie une étude sur François GENTIL qu'il a appelée L'énigme de François Gentil conclut en ces termes : A l'auteur de tant d'oeuvres estimables nous préfèrerions pour notre part les auteurs malheureusement inconnus des charmantes statues de la période antérieure au commencement du seizième siècle, où le génie champenois, encore exempt de l'influence italienne, a déployé ses plus rares qualités de simplicité et de noblesse.

En 2009, la critique exprimée par Albert BABEAU prévalait toujours dans le milieu de la Conservation. L'exposition Le beau XVIe siècle organisée du 18 avril au 25 octobre 2009 a fait la part belle aux sculptures champenoises du début du XVIe siècle et si elle n'a pas entièrement négligé la sculpture champenoise de la seconde partie du siècle elle a surtout mis en lumière l'oeuvre de Dominique Florentin. Car, en réalité, on sait peu de choses certaines sur François Gentil.

François Gentil serait né aux Riceys à quelques dizaines de kilomètres de Troyes. Son acte de naissance n'a pas été retrouvé alors son année de naissance reste incertaine, elle est située vers 1510.

Son nom apparaît pour la 1ère fois en 1541 dans les comptes de la Confrérie de la Conception Notre-Dame de l'Eglise Saint-Jean à Troyes. Et, de comptes d'église en comptes d'église les historiens ont retracé de 1541 à 1580 le parcours artistique de François Gentil dans la ville de Troyes et dans ses environs. Il est peu d'établissements religieux où il ne soit intervenu tantôt pour une commande, tantôt pour une réparation ou pour une modification.

Le nom de François Gentil se trouve également dans les comptes municipaux de la ville de Troyes. Il apparaît en 1548 à l'occasion de la venue du roi Henri II, en 1563 pour celle du roi Charles IX et encore en 1571 pour celle du Duc de Guise. La Municipalité lui confie la réalisation d'effigies et de sculptures sensées mettre en valeur la grandeur de la ville et de  ses prestigieux visiteurs.

François Gentil a longtemps résidé sur la paroisse Saint-Rémy et on croît que c'est dans l'église Saint-Rémy qu'il fût inhumé au plus tard en 1584. Dans cette même église qui accueillera quelques années plus tard  dont le destin fût national au contraire de celui de François GENTIL qui resta cantonné dans sa région natale.

NB
J'ai extrait ces quelques notes d'une esquisse de la biographie de François Gentil publiée par Albert Babeau en 1901 dans les mémoires des Réunions des Sociétés des Beaux-Arts des Départements. Vous pouvez accéder au texte intégral de sa publication sur le site de Gallica en suivant ce lien et en vous rendant à la page 648 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k206220b

LE CHRIST EN BOIS DE L'EGLISE SAINT-MARTIN A LANGRES

L'exposition Le beau XVIe siècle a manqué de remettre à la lumière et de restaurer le Christ en Croix qui fût longtemps considéré comme le plus admirable Christ qu'il y ait en France.

Je veux parler du Christ en bois que l'on peut observer à l'église Saint-Martin dans la ville de Langres.

Cette qualification du plus admirable Christ qu'il y ait en France désigna le Christ de l'église Saint-Martin pendant de nombreuses années au point que l'Ecole des Beaux-Arts de Paris finança son moulage et sa reproduction dans le bronze afin de l'intégrer à sa collection des plus fameux modèles de la sculpture de tous les temps.

Comme il est précisé sur cette carte postale déjà ancienne le Christ de François GENTIL était primitivement destiné à la Cathédrale de Langres mais les chanoines n'ayant pas voulu lui en donner le prix qu'il en voulait, Gentil vendit son Christ au curé de l'église Saint-Martin, où il fût placé sur la grille du choeur.

Ce Christ sculpté en bois, de 2 mètres de hauteur, a donné lieu à une singulière légende, d'après laquelle Gentil, pour mieux reproduire la posture, la tension des muscles et le mouvement général d'un homme crucifié, avait attiré chez lui un soldat, l'aurait enivré, et l'aurait ensuite attaché avec des clous sur une croix pour lui servir de modèle.


Philippe est passionné par sa région. Il la parcourt en long et en large avec son appareil photo en bandoulière. Il m'a adressé cette série de photos du Christ en bois de l'église Saint-Martin. Elles nous rapprochent de ce chef-d'oeuvre oublié de la sculpture champenoise du XVIe siècle.

LE CHRIST EN BRONZE DE LA CATHEDRALE DE LANGRES

La Cathédrale de Langres, à défaut de posséder l'original en bois du Christ de François Gentil qui lui était primitivement destiné abrite une très belle copie en bronze réalisée en 1879 par l'orfèvre parisien Jean-Alexandre CHERTIER (1825-1890)

Un autre orfèvre parisien, Edmond LESAGE (1859-1928) s'est livré à la même immortalisation dans le bronze du Christ de François GENTIL. Le Christ d'Edmond Lesage est visible à cette page : 

LE CHRIST EN BRONZE DE L'EGLISE SAINT-PIERRE-DU-GROS-CAILLOU

Preuve que la renommée du Christ en bois de l'église Saint-Martin à Langres avait largement dépassé les frontières de la Champagne méridionale l'Eglise Saint-Pierre-du-Gros-Caillou située dans le 7ème arrondissement de Paris abrite elle-aussi une copie dans le bronze du Christ de François Gentil.

En suivant ce lien vous découvrirez cette église parisienne : Saint-Pierre-du-Gros-Caillou.htm


LE CHRIST EN BOIS DE l'EGLISE SAINT-NICOLAS A TROYES

Les auteurs du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle avaient attribué à François GENTIL la quasi totalité de la statuaire digne d'intérêt et anonyme de la ville de Troyes et de ses environs. 

Les auteurs du XIXe siècle et plus encore ceux du début du XXe siècle lui ont retiré la paternité de quasiment tout sauf des statues des prophètes qui décorent, de part et d'autre de la cuve baptismale, le portail sud de l'église Saint-Nicolas à Troyes.

A l'origine le portail sud de l'église faisait office d'entrée principale pour les paroissiens. La tradition affirme que le Christ en bois qui avait été placé au-dessus de la cuve baptismale était une réalisation de François Gentil.

On le revoit ici en situation sur une cartes postale du début du XXe siècle. 

Il a été retiré de cet emplacement afin de le préserver d'une destruction totale et les statues des prophètes, David et Isaïe,  ont été remplacées par des moulages en plâtre. 


Question ? 
Quelle est la probabilité pour que ce Christ soit né sous le ciseau de François Gentil ? 

Réponse
Aucune !






Ce plan rapproché montre le Christ en bois anciennement placé sur le portail sud de l'église Saint-Nicolas dans son état actuel.

Malgré les agressions répétées des intempéries il conserve toute sa lisibilité sur un plan iconographique

Son apparence est proche du Christ de Langres en particulier sa frontalité mais il s'en distingue à plus d'un titre.

La douleur du supplicié est exprimée avec beaucoup moins de violence. Le corps a perdu de sa raideur et a gagné en souplesse. La légère torsion qui décentre les genoux par rapport à l'axe de la Croix en est une expression. Les pieds qui ne sont plus en rotation externe forcée mais alignés sur la verticale ajoutent à cette expression.

Sur le Christ de Langres, chaque muscle, chaque tendon, chaque attache musculaire est un noeud de tensions. 

Le sculpteur du Christ de Langres est un virtuose du ciseau et il a représenté le corps du Crucifié plusieurs heures après sa mort au stade de la rigidité cadavérique. Il se contraint ainsi à sculpter chaque muscle avec précision, chaque tendon et attache musculaire.

Le sculpteur du Christ de l'église Saint-Nicolas moins expérimenté n'a pas pris le risque de cet exercice. Il a sculpté le corps du Crucifié quelques minutes seulement après qu'il ait rendu son dernier souffle. Le corps est représenté d'une manière beaucoup plus fluide donc moins contraignante sur le plan du réalisme anatomique.

D'un point de vue purement iconographique le Christ en bois qui a été placé sur le portail sud de l'église Saint-Nicolas à Troyes est plus tardif que le Christ de l'église Saint-Martin à Langres. 

Le Christ en bois de l'église Saint-Nicolas a été sculpté à une date où François GENTIL est décédé depuis plusieurs années.

PHILIPPE DE VRIES & FRANCOIS GENTIL SONT CONTEMPORAINS ...

Le Christ de l'église Saint-Martin à Langres est-il comme l'ont affirmé les auteurs du XIXe siècle le plus admirable Christ qu'il y ait en France ?  Je ne saurais l'affirmer, il faudrait pour cela les avoir tous vus. Maintenant j'en ai quelques dizaines de milliers dans mes tablettes et je lui connais peu d'équivalents.

Le Christ de l'église Saint-Martin à Langres est un Christ d'exception et j'ose un parallèle avec un autre Christ d'exception

Philippe de Vries est un sculpteur du XVIe siècle d'origine française qui a travaillé à la Cour du Portugal. Son Christ en Croix est conservé au Monastère des Hiéronymites à Lisbonne. Il a été éxécuté en 1551 à la demande de Louis de Portugal, fils du roi Manuel 1er dît le Fortuné qui l'a offert à l'ordre des Hiéronymites. 

Il est intéressant de noter que la date d'exécution du Christ par Philippe de Vries coïncide à peu de chose près avec celle de l'exécution du Christ de Langres.

A gauche le Christ en Croix de Philippe de Vries, à droite le Christ en Croix de François Gentil

Nota 
L'état de conservation exceptionnel de la polychromie du Christ de Philippe de VRIES lui confère un avantage visuel dont il y a lieu de s'affranchir. 


Publié le 26 juillet 2015