Un Christ nu sous Louis XIII

David Heschler Haut du Corps

2017

 Collectionner c’est faire des rencontres auxquelles on n’est pas toujours préparé.

En tous cas cette rencontre je ne l’attendais pas.

IL a surgi d’un carton de la région de Mulhouse où IL était profondément enfoui depuis de nombreuses générations.

Je n'étais pas préparé à cette rencontre pour la bonne raison que les sculptures de Christ nu sont des œuvres traditionnellement attribuées ou attribuables à l’époque de la Renaissance soit aux XIVe/XVe siècles italiens soit aux XVe/XVIe siècles pour le reste de l’Europe. Or, ce Christ en bonze est postérieur à l’époque de la Renaissance.

L’abondance de sa chevelure permet d'emblée d'envisager une date de réalisation à l’époque de Louis XIII (1601-1643). Là n'est pas la seule caractéristique qui milite en faveur de cette datation. L’allure générale du corps légèrement déhanché, les jambes parallèles bien séparées, le pied gauche situé en léger retrait du pied droit, le regard du Christ orienté vers le ciel sont d’autres caractéristiques iconographiques fréquentes au milieu du XVIIe siècle.

La stylisation des traits du visage et de l’ensemble du traitement anatomique traduit qu’il s’agit d’un travail de Fondeur. Chaque millimètre de matière a été repris à la lime et au ciselet et le corps a été entièrement poli afin de recevoir une argenture de laquelle ne subsiste aujourd'hui que d'infimes traces sur l’envers des bras. Car malheureusement, comme de nombreuses fontes d’art en bronze argenté noircies par le temps, ce Christ a été nettoyé avec un produit à raviver le bronze ce qui a pour conséquence désastreuse d’éliminer l’argenture sauf dans quelques rares zones en creux ou sur l’avers.

 Observez  l'aspect béant de la blessure située conformément à la tradition sur le côté droit du Christ . 

Cette blessure ne laisse aucun doute sur la mort du Christ pourtant le Fondeur a pris le parti de montrer un Christ vivant. Le Fondeur veut ainsi signifier que le Christ a réssuscité au sein du Paradis. C'est la Résurrection du Christ au sein du Paradis qui autorise le Fondeur à montrer un Christ nu car au Paradis les Hommes ont l'Innocence des premiers jours de la Genèse et ILS vivent nus.

 Sur le plan historique et liturgique il n’est pas anachronique que ce Christ révèle sa nudité compte tenu de sa datation.

S’il est exact que le Concile de Trente qui s’est achevé le 15 décembre 1563 a exigé des Artistes qu’ils dissimulent la Nudité du Christ il est avéré également que les décrets du Concile de Trente ont été ratifiés, en France, et appliqués à la lettre par le Clergé qu’à l’issue de l’Assemblée de 1615.

Un léger aplat d’usure est observable sur la hanche gauche du Christ. Il est peut être l’indice que la Nudité du Christ a été dissimulée un temps par un linge de pudeur simplement cerclé autour des hanches et égaré aujourd’hui.

Ce Christ en bronze est un rare survivant d’une période de grande liberté d’expression.

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Christ nu XVIIe 17e siècle siecle Visage


  L'envers est en grande partie évidé afin de limiter les risques de retassures et également de réduire la quantité de bronze nécessaire à la coulée.


 Quelques infimes traces d'argenture sont encore visibles sur l'avers des bras. 
Dans tous les cas le polissage d'une pièce en bronze indique qu'elle a été argentée ou dorée.
Christ nu XVIIe 17e siècle siecle Argenture


 Chaque millimètre de matière a été repris au ciselet et à la lime. 
Les sillons que vous observez sur les avants-bras sont la stylisation des tendons


 Chaque millimètre de matière a été repris au ciselet et à la lime. 
L'articulation des genous est symbolisée par des empreintes. 
Observez les marques sur les tibias ...
 Les soldats romains brisaient les tibias des crucifiés avant de s'éloigner du lieu de leur supplice. Ainsi ils étaient certains qu'ils succomberaient à la Crucifixion en les empéchant de prendre appui sur leurs jambes pour respirer.
Sauf que le Christ n'a pas subi ce châtiment, le Centurion romain ayant opté pour la perforation de son flanc droit.
Le Fondeur nous livre un amalgame iconographique qui nous indique qu'il réalisait des ensembles plus complexes mettant en scène les 2 Larrons.
Christ nu XVIIe 17e siècle siecle Pieds stylisation

Publié le 13 novembre 2017