ROSSET Père & Fils

ROSSET Jean-François Joseph 1706-1786

J'ai déjà évoqué à propos des frères JAILLOT cette archive en date du 30 octobre 1655 qui liste une partie des membres de la corporation des maistres sculpteurs de Saint-Ouyand de Joux, une commune proche de Saint-Claude dans le Jura.

Un autre nom qui a marqué l'histoire de l'Art est cité dans cette même archive : le nom de ROSSET, plus précisément, de Denis Rosset dit Duppon.

Ce Denis ROSSET dit Duppon est l'arrière grand-père de ROSSET Jean-François Joseph qui se rendit célèbre après qu'il eût sculpté le buste de Voltaire.

A ce Denis ROSSET dit Duppon, membre en 1655 de la corporation des maistres sculpteurs de Saint-Ouyand de Joux, on rattache 5 générations de sculpteurs qui portent son patronyme ...

Le but de ces quelques lignes n'est pas d'établir la biographie de cette longue et ancienne lignée de sculpteurs. Il est plus modestement celui de présenter quelques Christs en Croix qui, avec une probabilité assez grande, seraient nés entre les mains d'un des ROSSET dit Duppon ou Dupont.

Le pivot de cette longue et célèbre lignée de sculpteurs est Jean-François Joseph ROSSET (1706-1786), à double titre :

1-Il hérita de l'atelier de son père Jacques-Antoine au décès de celui-ci en 1726. Il avait donc 20 ans et il dirigea l'atelier familial pendant 60 ans jusqu'à son décès à l'âge de 80 ans.

2-En 1765, il sculpte le buste de Voltaire. Des manufactures de porcelaine ont pris ce buste pour modèle et, après façonnage dans le biscuit, elles l'ont diffusé dans plusieurs pays européens. C'est la diffusion de ce bute en biscuit de Voltaire qui va construire la renommée du patronyme ROSSET.

Jean-François Joseph a formé trois de ses fils dans l' atelier familial.

En premier Jacques-Joseph (1741-1826). Sculpteur, il reprendra l'atelier familial en 1786 au décès de son Père.

Puis, François-Marie, peintre et sculpteur (1743-1824). Il quittera l'atelier familial pour s'installer à Paris puis à Dôle.

Enfin, Claude-Antoine (1749-1818). Sculpteur, il s'éloignera de l'atelier familial pour s'installer à Dôle.

Jacques-Joseph, François-Marie et Claude-Antoine ont appris la sculpture avec leur Père. Ce dernier n'a jamais fréquenté d'Académie. Il a tout appris par l'observation et par le travail. Il s'est rarement éloigné de sa ville natale de Sainte-Claude. Il se serait rendu à Paris qu'une seule fois , en 1771.

Lorsque Jacques-Joseph et François-Marie font leur apprentissage dans l'atelier familial , Joseph ROSSET produit des sujets religieux dont le Christ en Croix. Ses clients, membres des nombreuses Communautés religieuses de la région viennent chercher dans son atelier une qualité d'exécution remarquable et une modicité du prix.

Les fils de Joseph ont participé activement à la réalisation des commandes reçues par leur Père aussi il est quasiment impossible de différencier la main du Père de la main de ses Fils. Ce d'autant que le Père comme ses 3 Fils étaient dotés d'un même talent remarquable.

Dans une telle situation de partage du travail au sein d'un atelier familial, il n'y aurait que l'éventualité d'une signature pour différencier le travail des-uns et des-autres.

La chronologie des signatures inscrites sur les oeuvres attribuées aux ROSSET et datant de la période où Jean-François Joseph dirigeait l'atelier familial traduit bien le melting pot familial ...

Aucune signature n'est antérieure à 1756. Ainsi, pendant 30 années Jean-François Joseph ROSSET a dispersé ses œuvres sans jamais attester qu'elles étaient nées entre ses mains.

Pourquoi soudainement en 1756, date de la signature la plus ancienne qui désigne la personne de ROSSET Père, Jean-François Joseph signe-t-il une de ses productions alors que l'idée auparavant ne lui était jamais venue ?

A cette date, Jacques-Joseph entre dans sa 16ième année et réalise ses premières sculptures en toute autonomie. Est-ce là la raison ? Ou est-ce un Commanditaire qui le contraint à le faire ?

Ou ne s'agit-il que de signatures apocryphes gravées postérieurement ?

Plus certaines sont les signatures libellées Rosset Père et Fils ou celles qui désignent simplement le nom d'un de ses Fils Jacques, François ou Antoine car ce sont des signatures inscrites au crépuscule du XVIIIe voire à l'orée du XIXe siècle, une période où signer ses œuvres devient plus fréquent.

Jacques-Joseph ROSSET 1741-1826 Le Christ d'Arinthod 1810

C'est de cette époque, l'orée du XIX e siècle, que date le grand Christ de l'Eglise d'Arinthod.

C'est un franc-comtois répondant au nom de LEGER, lui-même né à Arinthod en 1752 et mort en 1822 qui donna à l'Eglise d'Arinthod ce grand Christ en bois de grandeur nature.

La signature de Jacques et l'année 1810 ont été découvertes sur la sculpture mais l'attribution du Christ d'Arinthod à Jacques ROSSET avait déjà été indiquée par l'abbé Brune dans son Dictionnaire des Artistes et des Ouvriers d'Art de Franche-Comté publié en 1912.

Jacques ROSSET a sculpté dans le bois d'autres Christs en Croix de grandes dimensions, il était fort sollicité pour cela.

Mais c'est dans l'ivoire qu'il excellait, en qualité comme en nombre.

CHRIST EN CROIX - TILMANN RIEMENSCHNEIDER  - EGLISE SAINT-PIERRE SAINT-PAUL DE DETWANG

L'abbé Brune, précédemment cité, témoigne qu'il a eu entre les mains un Crucifix en Ivoire qui portait sa signature et la date de 1810.

De son côté, Ulysse FISCHER qui eût pour trisaïeul Jacques ROSSET cite un de ses Christs en Ivoire daté de 1824.

De ces Christs en ivoire signés de la main de Jacques-Joseph ROSSET, nous avons perdu la trace.

Et, malheureusement la liste des Christs signés de la main d'un ROSSET s'arrête là !

COPIE D'UN CHRIST DE TILMANN RIEMENSCHNEIDER - EGLISE SAINT-PIERRE SAINT-PAUL  - DOLLNSTEIN -1948

Toute autre attribution revêt un caractère spéculatif avec une probabilité plus ou moins grande de voir juste.

La tradition est souvent avancée comme un argument de poids alors qu'elle est tout aussi incertaine.

Quiconque se base sur un détail anatomique, vestimentaire ou même iconographique pour justifier d'une attribution fait d'avantage preuve d'ignorance que d'expertise.

Un seul exemple pour illustrer mes propos. Il est extrait du livre édité par le musée des Beaux-Arts de Dôle Un atelier jurassien au temps des lumières. Page 98 l'auteur décrit en ces termes un Christ en Ivoire qu'il voudrait voir attribuer à Jacques ROSSET : On est saisi par le fini impeccable de l'exécution qui fait de ce Christ une œuvre aussi puissante qu`impassible, une sorte d`exercice de style visant a un idéalisme plastique superbement glacial. Cette précision extrême culmine dans le rendu de la couronne d'épines, véritable dentelle d'ivoire que l`on imagine fragile comme du verre.… la recherche de plénitude dans le rendu du corps, le canon anatomique, la manière dont le perizonium enserre le bassin du Sauveur, jusqu'aux doigts crispés des mains, sont autant d'analogies qui se conjuguent d'une oeuvre à l'autre et pourraient plaider en faveur d'une attribution à cet artiste …

Notez que le texte est superbement écrit mais les Christs en Ivoire qui conjuguent toutes ces caractéristiques sont légion au XIXe siècle.

Attribuer ce Christ à Jacques ROSSET c'est lui attribuer toute la belle production de ce siècle dont la majeure partie des Christs en Ivoire produits à Dieppe ...

CHRIST EN CROIX - TILMANN RIEMENSCHNEIDER - EGLISE SAINT-NICOLAS - STEINACH - 1516

Par contre, il est un Christ sculpté dans l'ivoire qui correspond bien à l'idée que l'on doit avoir des Christs sculptés par Jean-François Joseph ROSSET. C'est le Christ qu'Ulysse FISHER a attribué à Joseph ROSSET en 1926. Ses dimensions sont modestes tête-pieds 17.1 cm, 20 cm avec les bras.

Sur un plan iconographique il conserve dans les bras la raideur qui caractérise les Christs du début du XVIIIe siècle.

Il affiche néanmoins une différence importante avec les Christs du début du siècle, c'est l'assouplissement du corps marqué par un léger déhanché et les jambes , toujours droites et parallèles, mais très légèrement pliées.

Les Signatures des ROSSET

Les signatures des ROSSET sont à l'image de la Famille, elles sont nombreuses !

Nombreuses seulement après 1756 car avant cette date donc pendant les 30 premières années de travail de Jean-François Joseph dans son Atelier nous n'en connaissons aucune.

Leur libellé est variable et pourrait avoir suivi l'évolution de l'atelier familial.

De Joseph ROSSET ou ROSSET Père ou ROSSET Père Fecit elles évoluent vers ROSSET, ROSSET F. ou ROSSET Fecit puis ROSSET Père & Fils. Viennent ensuite les signatures qui ne désignent qu'un seul des Fils ROSSET Jacques ROSSET A.ROSSET ou A.ROSSET Fecit ou encore A.ROSSET Sculpsit

Je ne saurais vous dresser la liste exhaustive des Signatures des ROSSET.

Je vous en livre un échantillon recueilli sur les sites des Maisons de Vente.

Une Signature sur une oeuvre ne fournit pas une preuve, seulement une présomption.

Visage du Christ d'ARINTHOD - Jacques-Joseph ROSSET - 1810

Visage du Christ d'ARINTHOD - Jacques-Joseph ROSSET - 1810

C'est à Christophe que l'on doit cette photo du puissant regard du Christ d'Arinthod ainsi que les 2 autres photos qui accompagnent le commentaire de ce Christ.

A l'affiche du Blog de Christophe : Le tournage sur bois...
http://cpicod.blogspot.fr/

Publié le 19 octobre 2013