BELLETESTE Jean-Antoine (1731-1811)

BELLETESTE Jean-Antoine

La vente récente d'un portrait de BELLE TESTE le Père me fournit l'occasion d'écrire ces lignes sur un des Ivoiriers qui fît la réputation de la ville de Dieppe.

BELLETESTE est le nom d'une dynastie d'ivoiriers qui ont travaillé à Dieppe.

Le plus ancien était actif en 1731, il se prénommait Antoine.

C'est son fils, Jean-Antoine BELLETESTE (1731-1811) qui fît la renommée du patronyme BELLETESTE. Je reviendrais sur lui ...

Le fils de Jean-Antoine prénommé Louis-Charles-Vincent (1757-1819) ne fût pas moins célèbre en son temps. C'est à lui que l'on doit la maquette tout en ivoire d'un vaisseau de 88 canons qui fût offert à Napoléon 1er. Vous pouvez le découvrir sur le site du Musée National de la Marine :
http://mnm.webmuseo.com/ws/musee-national-marine/app/collection/record/8870

Louis-Charles-Vincent eût 2 fils.

Louis-Charles-Antoine (1787-1832) qui étudia le dessin à Paris. On dit que la Duchesse de Berry le fît beaucoup travailler II exécutait le portrait en haut-relief directement devant le modèle avec une facilité remarquable (Les métiers pittoresques Ch. Le Goffic). Pourtant Madame lui préféra les ivoiriers dieppois MEUGNIOT et BLARD qui étaient désignés respectivement comme le Sculpt. Ivoirier de Madame et le Sculpt. Ivoirier de Mademoiselle

Quand on sait la vanité de Louis-Charles-Antoine qui ne pouvait souffrir l'offre d'un rabais sur ses ouvrages ; il menaçait de les briser plutôt que de les vendre à un prix inférieur au sien (le Livre des Collectionneurs de MAZE-SANCIER) on comprend que c'est par dépit de ne plus être reconnu comme le Sculpt. Ivoirier de Madame que Louis-Charles-Antoine abandonna la ville de Dieppe pour s'installer à Paris vers 1826 où il acquît une bonne réputation.

Son frère, Louis-Augustin-Grégoire demeura à Dieppe (1798-1821). Il fût contremaitre dans l'atelier de l'ivoirier BLARD où travaillaient plus de 40 ouvriers. Il est mort à 23 ans sans descendance.

Quelques années après le décès à Paris de Louis-Charles-Antoine, son gendre Jules TRUFFAUT qui avait épousé sa fille Joséphine-Victor-Alexandrine prît sa succession.

En 1842, on lisait dans l'Almanach du Commerce Truffaut (J.), gendre et succ. de Belleteste, sculpteur en ivoire, magasin de sculpture de Dieppe, tabletterie en tous genre, nouveautés pour etrennes, dentelles de Dieppe, r. Vivienne, 57

Dès lors, le nom de BELLETESTE s'éteignit.

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Bien qu'une annonce commerciale à l'entête d' ANTOINE BELLETESTE vante qu'il fait et vend Crucifix communs, & autres Crucifix bien finis, de toutes grandeurs et bien que la conservation du Château-Musée de Dieppe tente d'attribuer une certaine typologie de Christs de ses collections à Jean-Antoine BELLETESTE aucun Christ en Croix ne nous est parvenu portant la signature d'un BELLETESTE ou portant la preuve de sa production dans l'atelier d'un des membres de la dynastie.

Il en est autrement d'une mise en scène théâtrale de la Crucifixion entièrement réalisée en ivoire qui réunit autour du Christ crucifié Trois Personnages et qui expose de nombreux objets et ustensiles qui ont jalonné la vie humaine du Christ.

Cette mise en scène bien que réalisée de manière magistrale n'est pas unique. Plusieurs musées en détiennent un voire plusieurs exemplaires.

Plusieurs de ces compositions portent le patronyme de BELLETESTE, elles sont attribuées à Jean-Antoine. Parfois, elles référencent la ville de DIEPPE et affichent une année de fabrication.

J'en présente 7 dont 6 sont détenues par des musées, 1 est passée en vente en 1999 à Londres

La fondation Reiner Winkler serait dépositaire d'un autre exemplaire ainsi que l'European Decorative Art Company, une galerie de ventes située à New York.

CRUCIFIXION - CHÂTEAU-MUSÉE DE DIEPPE

A tout seigneur tout honneur , le Château-Musée de Dieppe possède 2 exemplaires de la mise en scène de la Crucifixion par l'atelier de BELLETESTE.

La plus ancienne est datée de 1761 (à gauche sur la photo), il est inscrit :
.FAIT.PAR.BELLETESTE./.MD.IVOIRIRIER.GRANDE RÜE./.A.DIEPPE./1761

Elle est décrite à la page 60 du Cahier de l'Ivoire N°4 édité et publié par le Château-Musée de Dieppe que je vous encourage à vous procurer.

La seconde (à droite sur la photo) est datée de l'An VI du calendrier républicain qui a commencé le 22 septembre 1797 et s'est terminé le 21 septembre 1798. Il est inscrit :
Belleteste.scuplsit à Dieppe.lan.VI.

37 années séparent ces deux Crucifixions. Les différences ne sont pas flagrantes pour un oeil non exercé et elles n'ont pas la même importance.

J'en cite 2 :

Les fleurs de lys, symboles de la monarchie, ont disparu sur la Crucifixion post-révolutionnaire.

La Crucifixion réalisée pendant le règne de Louis XV montre un Christ sans la couronne d'épines. La dite couronne est fixée tel un trophée au pied de la Croix. Tandis que la Crucifixion post-révolutionnaire montre un Christ dont la tête est ceinte de la couronne d'épines, signe d'un retour à la tradition.

A noter aussi que le canon iconographique tasse les personnages dans la mise en scène de la Crucifixion post-révolutionnaire.

Nota Vous aurez relevé les fautes d'orthographe contenues dans les inscriptions gravées sur ces deux Crucifixions diéppoises IVOIRIRIER au lieu de IVOIRIER sur celle datée 1761 et scuplsit au lieu de sculpsit sur celle datée de l'an VI.

CRUCIFIXION - MUSÉE DE LA VISITATION -

Le Musée de la Visitation à Moulins réunit un ensemble d'objets venus de tous les sites de cultes de l'ordre de la Visitation.

Parmi les objets qui sont présentés se trouve une superbe vitrine désignée Crucifixion d'ivoire par Belleteste à Dieppe Fin XVIIIe

CRUCIFIXION - VICTORIA & ALBERT MUSEUM

Cette Crucifixion est conservée dans les collections du Victoria & Albert Museum à Londres.

Sur la partie basse de l'autel, en façade, on lit :
sculpté . a Dieppe .Par Belleteste .

CRUCIFIXION - MUSÉE DE LA CÉRAMIQUE ET DE L'IVOIRE -

Le Musée de la Céramique et de l'Ivoire à Commercy conserve dans ses collections une vitrine de la Crucifixion attribuée à Belleteste.

La vitrine est richement agrémentée de têtes d'anges et de putti éplorés.

En façade de l'autel du sacrifice où se déroule la scène de la Crucifixion on lit l'incantation OAMOUR SANS PAREIL

Comme la Crucifixion datée 1761 conservée au Château-Musée à Dieppe et celle conservée à Madrid elle présente une Croix dont les extrémités sont des fleurs de lys stylisées.

CRUCIFIXION - MUSÉE NATIONAL DES ARTS DÉCORATIFS -

La vitrine de la Crucifixion conservée au Musée National des Arts Décoratifs de Madrid est très proche de la vitrine de la Crucifixion conservée au Château-Musée de Dieppe datée de 1761.

A l'arrière de la vitrine, dans le bois, est gravée l'inscription : BELLETESTE·MD·IVOYRIER·DEMEURANT·GRANDE·RUE·/A· DIEPPE

C'est une inscription du même style que celle de la vitrine conservée à Dieppe datée 1761.

Les dimensions des vitrines sont également très proches :

  • Madrid H=33.5cm L=19.0cm P=6.0cm
  • Dieppe H=30.8cm L=18.2cm P=5.8cm

CRUCIFIXION - CHRISTIE'S

Le 6 Juillet 1999 la Maison de Vente Christie's a vendu A CARVED IVORY AND EBONY CRUCIFIXION BY JEAN-ANTOINE BELLETESTE (1731-1811), 1789

Il s'agit d'une vitrine où il est inscrit fait. Par. Belletesete./A. Dieppe 1789. ce qui ne laisse aucun doute sur sa parenté avec les précédentes vitrines.

Sa hauteur hors-tout 36.8cm est quasiment identique à celle du Château-Musée de Dieppe datée lAn VI (36.5cm)

SAINT-JEAN EST-IL ANDROGYNE ?

Selon la Conservation du Musée de Dieppe et celle du V&A Museum ces vitrines réuniraient autour de la Croix du Christ, les Personnages de la Vierge, de Saint-Jean et de Marie-Madeleine ... Est-ce bien exacte ?

Je vous propose de relire l'évangile de Saint-Jean Ch. XIX : 25. Cependant la mère de JESUS,& la soeur de sa mère,Marie femme de Cleophas, & Marie Madeleine, se tenaient auprès de la croix. 26.JESUS ayant donc vu sa mère , & près d'elle le disciple qu'il aimait, ...

Ainsi, Jean, en plus de la présence de l'apôtre Jean, témoigne qu'il y avait, réunies autour de la Croix du Christ, Trois Marie.

Ce que confirme l'évangile de Saint-Matthieu Ch. XXVII : 55. Il y avait là aussi plusieurs femmes qui regardaient de loin, & qui avaient suivi JESUS depuis la Galilée, ayant soin de l'assister; entre lesquelles étaient Marie Madeleine, Marie mère de Jacque & de Joseph, & la mère des fils de Zebedée.

Matthieu confirme la présence de Trois Marie. Il confirme la présence de Marie-Madeleine mais son témoignage diverge de celui de Jean sur l'identité des deux autres Marie.

Luc ne désigne pas dans son évangile les femmes qui étaient venues de Galilée avec JESUS

Quant à l'évangile de Saint-Marc il témoigne Ch. XV : 40. Il y avait aussî là des femmes qui regardaient de loin, entre lesquelles était Marie Madeleine, Marie mère de Jacque le jeune & de Joseph, & Salomé;

Marc, à son tour, confirme la présence de Trois Marie et écrit qu'il s'agit de Marie-Madeleine, de Marie, mère de Jacques et de [Marie] Salomé.

Ainsi, la présence des Trois Marie au pied ou à proximité de la Croix est avérée et les évangélistes sont unanimes pour désigner Marie-Madeleine. L'identité des deux autres Marie varie selon les textes.

Dans tous les cas il est probable que ces vitrines attribuées à l'atelier de BELLETESTE représente le Christ en Croix entouré des Trois Marie.

Le personnage qui se tient à droite de la composition est une des Trois Marie et non Saint-Jean comme le désigne les conservations du Château-Musée de Dieppe et du Victoria & Albert Museum de Londres.

Il porte sous sa toge la même robe que les deux autres Marie et son visage, encadré par une chevelure abondante, ne se différencie guère du visage de Marie-Madeleine.

Publié le 21 janvier 2015