Offense à l'Histoire

Christ en Ivoire du XIXe siècle

Les oeuvres d'Art qui conservent une trace de leur histoire ne sont pas légion.

Une trace c'est une étiquette, l'étiquette du marchand qui a vendu l'objet ou qui l'a restauré. Une trace c'est le nom d'un ancien propriétaire. Une trace c'est une date, la date de fabrication de l'objet ou la date du jour où il a été offert, souvent à l'occasion d'un évènement marquant comme un mariage ou une naissance. Une trace c'est un document manuscrit qui raconte une partie de l'histoire de l'objet etc.

Découvrir ce type d'informations est une source de joie pour l'Amateur ou le Professionnel en quête de la vérité de l'objet.

Malheureusement la vérité ne sied pas à tout le monde et elle n'est pas toujours la préoccupation principale du commerce.

Christ en Ivoire du XIXe siècle

Le 27 janvier 2014 la Société Le Puy Enchères mettait aux enchères un important Christ en Ivoire dont le descriptif était le suivant :

N° 59
Important Christ en ivoire richement sculpté surmontant une vanité, encadrement mouvementé en acajou et marqué 11 Aout 1853, hauteur de christ en ivoire 35 cm, largeur du torse: 6 cm, hauteur du cadre: 81 cm, travail de qualité du XIXe siècle

Estimation 600€-900€

Le Commissaire Priseur annonçait un Christ sculpté au XIXe siècle et, sensible à l'intégrité de l'Oeuvre, il signalait en toute transparence la date du 11 août 1853 gravée sur le cadre.

L'estimation 600€-900€ était modeste au regard de la qualité de la sculpture et de la hauteur du Corpus. Le Christ avec son cadre et sa vanité furent logiquement adjugés 1 250€ au marteau.

Christ en Ivoire du XIXe siècle

En tant que Collectionneur, les Oeuvres datées sont celles que j'affectionne le plus. Ne pouvant acquérir les objets de la terre entière je me contentais de garder précieusement les photos publiées.

Moins d'un mois après son adjudication au Puy-en-Velay ma surprise fût grande de retrouver ce Christ en Ivoire dans une autre Maison de Ventes.

Christ en Ivoire du XIXe siècle

Le 23 février 2014 la Société L'Etude de Provence organisait une vente au Château de Sanilhac et, à son tour, elle mettait aux enchères le même Christ en Ivoire que celui qui avait été vendu au Puy-en-Velay.

Le descriptif était :

N° 1275
Très beau Christ en ivoire, finement sculpté, beau travail de drapé. L : 40, l : 32.5 cm XVIII°.

Estimation 3 500€- 4 000€

En 4 semaines le Christ avait vieilli de 100 ans et son estimation était quintuplée !

Le plus dérangeant n'est pas là car malheureusement ce type de spéculations n'est pas rare.

Christ en Ivoire du XIXe siècle

Le plus dérangeant est que le Christ en ivoire a été séparé de son cadre afin de dissimuler la date qui y est gravée éliminant ainsi tous les risques de remise en cause de sa nouvelle attribution au XVIIIe siècle.

En agissant ainsi le Vendeur fait offense à l'histoire mais pas seulement …

Il fait offense à l'Ivoirier qui ne sera désormais jamais identifié

Il fait offense à Ceux qui ont offert cet objet ainsi qu'à Ceux qui l'ont reçu. L'inscription d'une date est le signe d'un attachement fort à l'objet ou à l'acte qui l'a fait naître.

Il fait offense à tous les Amateurs, Collectionneurs et Professionnels qui tentent de comprendre l'Histoire et attachent une extrême importance aux traces laissées par cette Histoire.

Espérons que le parcours de ce Christ ne s'arrête pas là ...

Au prix où il a été présenté à la vente organisée au Château de Sanilhac il n'a pas trouvé d'Acquéreur.

Aussi, avec un peu de remords de la part du Vendeur, le Christ peut encore retrouver son écrin du XIXe siècle.

Dans l'ordre des images ,

1- Le Christ en Ivoire dans son cadre comme il fût présenté au Puy-en-Velay
2- Gros plan du Christ présenté au Puy-en-Velay
3- La date gravée sur le cadre
4- Le Christ en Ivoire présenté seul à la vente au Château de Sanilhac
2- Gros plan du Christ présenté au Château de Sanilhac

NB Les marques de jaunissement de l'ivoire au coin des yeux ou sur la couronne prouvent qu'il s'agit du même Christ.