Comparaison n'est pas raison

Très important Christ en Ivoire

La Maison de Vente Auxerre Enchères livre aux enchères le 9 novembre prochain cet important Christ en Ivoire dont la hauteur tête-pieds est de 51 cm.

Son descriptif : Très important Christ en ivoire. Pieds joints, tête tournée sur la droite, bouche entrouverte. L'ensemble des doigts se trouve en position recroquevillée. Très grande finesse d'exécution faisant apparaître les veines ainsi que le plissé des chairs à l'emplacement de clous. Traces subsistantes de polychromie partielle. Bras droit réassujettit. France. Fin XVII° début XVIII°. Ha ut. 61,5cm. Haut. Tête pieds : 51cm. (Craquelures). A rapprocher d'un modèle conservé au musée de Dieppe sous le numéro 895,3,1- MD893. Cat Millet 1320.

Je m'autorise ce Rappel (Décret n°81-255 du 3 mars 1981 Art.2)
La dénomination d'une oeuvre ou d'un objet, lorsqu'elle est uniquement et immédiatement suivie de la référence à une période historique, un siècle ou une époque, garantit l'acheteur que cette oeuvre ou objet a été effectivement produit au cours de la période de référence

A la lecture du descriptif fourni par la Maison de Vente, je reste perplexe quant à l'engagement d'authenticité que donne l'Expert en noyant dans son texte, loin de la dénomination de l'objet, l'origine France et la période Fin XVIIe début XVIIIe.

En procédant de cette manière l'Expert se ménage une sortie car il peut argumenter qu'en situant la période de réalisation à cette place dans le descriptif il indique qu'il a des présomptions sérieuses d'attribuer cette oeuvre à cette période finale du XVIIe siècle mais il n'en apporte pas la garantie totale.

Il fait donc acte de prudence.

Christ en Ivoire Musée-Château de Dieppe 1700 circa

Nonobstant il poursuit sa manoeuvre afin de convaincre qu'il s'agit bien d'un Christ des années 1700 en établissant un rapprochement avec une oeuvre dont l'attribution à cette période est validée par un Musée qui fait référence dans les ivoires : le Château-Musée de Dieppe.

Ci-joint la photo du Christ En N&B, inventorié sous le numéro 895.3.1, avec lequel l'Expert établit le rapprochement.

La manoeuvre est malheureuse car si j'avais des doutes sur l'ancienneté du Christ j'ai désormais la certitude que le Christ qu'il présente est fort éloigné de l'exigence de qualité des canons iconographiques des années 1700.

En faisant un plan rapproché de la partie visible du cou qu'observe-t-on ?

Sur le Christ conservé au Château-Musée de Dieppe on observe la sculpture de la veine jugulaire ainsi que celle des muscles et des tendons.

Sur le Christ présenté par la Maison de Vente Auxerre Enchères on observe un cou sans relief aussi lisse qu'un tube PVC !

Et ce ne sont pas les 3 gouttes de sang qui perlent sous la blessure du Christ présenté par Auxerre Enchères qui vont convaincre de la grande finesse d'éxecution évoquée dans le descriptif et pas d'avantage le plissé des chairs à l'emplacement de clous, un détail que même les sculpteurs du XXIe siècle rendent sur leur sculpture.

NON, un Christ en Croix ne peut pas être attribué à une période reculée sous le seul prétexte qu'il arbore 1 ou 2 détails de sculpture que l'on observe sur des Christs anciens.

Dans le cas du Christ en Ivoire du Château-Musée de Dieppe, c'est la totalité du corps qui participe à son expression de puissance. Les détails de sculpture ne sont pas des artifices. Ils sont des éléments cohérents et réalistes de l'anatomie.

Dans le cas du Christ en Ivoire présenté par Auxerre Enchères, le Christ prend la pose. Une attitude qui se traduit par une absence totale de tension musculaire. Les détails de sculpture comme les gouttes de sang à l'emplacement des clous et du coup de lance ne sont que des artifices qui d'ailleurs conduisent dans ce cas à une incohérence : le Christ est vivant et pourtant il est percé sur son flanc droit par la lance du Centurion : la preuve qu'il est bien mort.

Cette incohérence, évidemment, ne s'observe pas sur le Christ en Ivoire du Musée de Dieppe.

Très important Christ en Ivoire

Cette autre photo du Christ en Ivoire présenté par Auxerre Enchères traduit bien l'absence de tension qui caractérise ce Christ et qui l'éloigne sans équivoque des années 1700.